Deux ans après le scandale provoqué par Sale P*te, le bouc émissaire du rap français revient sur le devant de la scène avec Le Chant des Sirènes, un album décapant. Entre remise en cause et introspection, il nous livre ses impressions.
Légère appréhension avant de rencontrer Aurélien Cotentin, alias Orelsan. Le rappeur de 29 ans, originaire de Caen, a laissé derrière lui comme un arrière-goût amer. Sale P*te, son clip mettant en scène un homme promettant les pires maux à sa chérie infidèle, a fait de lui l’ennemi public numéro 1 des féministes françaises en 2009.
Condamné à l’excommunication musicale, blacklisté, Orelsan erre deux ans avant de retrouver le chemin des studios. Réhabilité par la critique, encensé, il prend aujourd’hui sa revanche. “Merci aux Chiennes de garde pour le coup de p*te” glisse-t-il discrètement en ouverture du Chant des Sirènes. Mais la rancœur n’est pas son moteur. Orelsan balance les rimes décapantes, des textes à l’acide. Une verve sombre et nihiliste. Peinture sans complaisance de la génération internet. Orelsan, fervent pratiquant du cynisme signe son grand retour. Il nous reçoit au Zebra Square à Paris. Autour d’un verre, il nous dit tout, sans tabou.
Public : Qu’est ce qui a changé pour vous depuis deux ans ?
Orelsan : Tout. Avant, je travaillais dans un hôtel pour gagner ma vie, je faisais de la musique par passion mais je n’osais pas dire que c’était mon métier, je n’étais pas si exposé qu’aujourd’hui. Le regard des gens n’est plus le même, ils me voient à travers ma musique. Aujourd’hui, je suis Orelsan, le chanteur.
Public : Avec ce costume de super héros, on a l’impression que vous voulez prendre une revanche sur ce qui s’est passé à l’époque de Sale P*te…
Orelsan : En fait, j’aime beaucoup l’univers des supers héros et leur style, mais c’est aussi pour ironiser sur le côté un peu gourou qu’on a pu me prêter en disant que j’avais des responsabilités par rapport aux jeunes qui m’écoutent. Avec ce costume, je montre que je m’assume davantage, que je suis plus sûr de moi.
Public : Est ce que la polémique crée avec cette chanson vous a desservi ou ouvert des portes ?
Orelsan : Ça m’a fait de la mauvaise pub, ça a annulé des concerts, la moitié de la tournée. Je n’avais plus de chanson qui passait en radio, pendant un moment c’était dur. Je me suis retrouvé là-dedans malgré moi. Il y a une différence entre faire de la musique chez soi comme ce que j’ai fait avec cette chanson et la médiatisation. Mes paroles ont été déformées, tout a été sorti du contexte. Sale Pute c’était une fiction, pas la réalité.
Public : Vous êtes vous senti dépassé par tout ça ?
Orelsan : J’ai été pris dans un tourbillon, je me suis demandé pourquoi ça prenait une telle ampleur. On a voulu me récupérer politiquement, alors qu’à la base, je ne suis pas branché politique. C’est passé à l’Assemblée Nationale. Ça me dépasse toujours. J’ai beaucoup parlé avec ma famille, ça m’a aidé. J’ai essayé de rester droit dans mes bottes
Public : Vous semblez envisager les relations amoureuses sous l’angle de la déception, avec beaucoup de cynisme, comment l’expliquez-vous ?
Orelsan : C’est certainement dû à mon âge, les premières relations sont toujours les plus dures. Très peu de gens vivent bien leur trois, quatre premières relations de couple. C’est toujours difficile. Je pense qu’à 50 ans, je serai moins cynique.
Public : Ça n’a pas dû être facile avec les filles depuis Sale Pute…
Orelsan : Au contraire, il y a plein de filles qui m’ont dit qu’elles s’étaient reconnues dans cette chanson. On a dit que c’était un titre misogyne, mais une femme aurait très bien pu écrire sensiblement la même chose. Plein de filles se sont retrouvées en fait.
Public : Il paraît que vous êtes dans une relation stable depuis quelque temps, qu’est ce que votre petite amie pense de vos chansons ?
Orelsan : Oui, je suis en couple depuis deux ans, pour l’instant c’est cool et je reste concentré. Elle écoute mes textes, elle sait que c’est de la fiction. Sale Pute est une chanson que j’avais écrite avant même qu’on soit ensemble, donc elle en connaissait l’existence, je ne l’ai jamais cachée. Mais ma copine n’est pas une fan de ce que je fais, je ne sors pas avec une groupie, ce serait trop bizarre !
Public : Et ce look de gendre idéal, c’est pour elle ?
Orelsan : J’ai perdu du poids pour le clip de Raelsan, je me suis laissé pousser les cheveux parce que j’avais envie de changer. Je n’ai pas l’impression d’avoir un look de gendre idéal, mes fringues sont juste un peu moins larges et moins colorées maintenant. En même temps plus personne ne porte du quadruple XL. Mais j’ai encore de la marge avant d’être le gendre idéal !
Public : Vous faites attention à ce que vous mangez, à ce que vous buvez, vous avez même arrêté de fumer… On frôle l’ennui mortel pour un rappeur ?
Orelsan : J’ai eu ma période d’excès. Aujourd’hui, je mange moins de fast food, je ne bois plus tous les jours. Quand j’étais plus jeune, je m’éclatais la tronche tous les soirs, mais au final je ne m’amusais pas vraiment. Je n’ai pas envie de finir comme Amy Winehouse !
Public : Sa mort, ça vous a choqué ?
Orelsan : J’aimais bien ce qu’elle faisait, j’écoutais son album de temps en temps. Une vraie artiste. Quand je la voyais défoncée, j’espérais qu’elle sorte de nouvelles chansons. On savait tous que ça allait finir comme ça, mais que ça arrive vraiment, c’est du gâchis !
Source et suite de l’interview : http://www.public.fr/Toutes-les-interviews/Exclu-Public-Orelsan-J-ai-failli-tout-arreter-126511