Le rappeur Youssoupha a la cote dans la presse. Peut-être pas pour les bonnes raisons.
Il y a quelque chose d’étrange dans la manière dont certains journalistes ont salué Noir désir, dernier album de Youssoupha. Non pas que le disque soit mauvais, au contraire, et on recommande ici cette petite bombe. Mais, à chaque fois, les raisons de l’éloge percent dès la première ligne : pas un seul n’oublie de mentionner que Youssoupha a fait ses études à la Sorbonne, et qu’il a eu 18/20 au bac français, la “meilleure note de son académie”. Il y a quelque chose de curieux à rappeler avec insistance que Youssoupha a eu son bac, que Hamé (La Rumeur) a fait de belles études ou que son compère Ekoué “étudie la science politique”. Tout comme à souligner que – même incompréhension – Hocus Pocus fait de la musique avec “de vrais instruments”.
Le rap n’est pas une musique de gens diplômés ; c’est même le chant de ceux qui ont inventé autre chose que le “bien écrit” exigé au bac. La musique, plus largement, requiert d’ailleurs bien autre chose que des diplômes. C’est pourquoi on ne demande jamais à Yuksek s’il a eu une mention au bac, à telle star de la variété si elle a fait Sciences-Po. Mais curieusement, lorsqu’un rappeur a lu Racine ou Baudelaire, on rappelle à chaque article qu’il “a fait des études”. Regardez ce Noir qui sait parler ! On s’en cogne des diplômes de Youssoupha ! Son Noir désir est une pépite dont l’exégèse réveille avec brio les tabous étincelants d’une France endormie – qui, paradoxalement, sont rarement évoqués par ces plumes qui préfèrent voir en lui un lascar avec de bonnes notes.
Mais Youssoupha n’est pas ce mec cool. Il est amer comme quelqu’un qui a passé son enfance dans un bidonville d’Afrique, un foyer de banlieue, avant de gratter des diplômes qui ne lui ont jamais permis de trouver un emploi. Le voilà, le vrai sujet.